ACTE PREMIER



Scènes 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11

Appendices:





La scène se passe à Burglen, canton d'Uri: à droite se trouve la maison de Guillaume Tell; à gauche débouche le torrent de Schachental, sur lequel un pont est jeté; une barque est attachée au rivage. Des paysans entourent de verdure des cabanes destinées à trois nouveaux ménages; d'autres se livrent à divers travaux agrestes. Jemmy s'essaie à tirer de l'arc, Guillaume, pensif et
appuyé sur sa bêche, est arrêté au milieu d'un sillon. Hedwige assise près d'un châlet assemble les jonces d'une corbeille et regarde alternativement son époux et son fils.

Scène première


Guillaume Tell, Hedwige, Jemmy, le Pêcheur, le ch¦ur.

CH‘UR
Quel jour serein le ciel présage!
Célébrons-le dans nos concerts;
Que les échos de ce rivage
élèvent nos chants dans les airs!
Par nos travaux, rendons hommage
Au créateur de l'univers.

Quatuor

LE PÊCHEUR
(dans sa barque)
Accours dans ma nacelle,
Timide jouvencelle;
Du plaisir qui t'appelle
C'est ici le séjour.

Je quitte le rivage;
Lisbeth, sois du voyage,
Viens; le ciel sans nuage
Nous promet un beau jour.

GUILLAUME
(à demi-voix)
Il chante son ivresse,
Ses plaisirs, sa maîtresse;
De l'ennui qui m'oppresse
Il n'est pas tourmenté.

Quel fardeau que la vie!
Pour nous plus de patrie!
Il chante, et l'Helvétie
Pleure sa liberté.

LE PÊCHEUR
Des fleurs ceignent sa tête;
Leur puissance secrète;
Conjurant la tempête,
Nous répond du retour.

Et toi, lac solitaire,
Témoin d'un doux mystère,
Ne dis pas à la terre
Les secrets de l'amour.

HEDWIGE et JEMMY
Son imprudent courage,
Se jouant de l'orage,
à côté du naufrage
Ne pense qu'au retour.

Vers l'écueil qu'on redoute,
S'il dirigeait sa route,
Des chants de mort, sans doute,
Suivraient ses chants d'amour.

Ici l'on entend le ranz des vaches.

LE CH‘UR
On entend des montagnes
Le signal du repos;
La fête des campagnes
Abrège nos travaux.

Cette fête champêtre,
Qu'ignore l'¦il du maître,
Nous fera reconnaître
Le doux pays natal.

Scène deuxième


Les mêmes, le vieux Melcthal, appuyé sur son fils Arnold, descend de la colline.

LE CH‘UR
Salut, honneur, hommage
Au vertueux Melcthal!

HEDWIGE
La fête des pasteurs, selon l'antique usage,
De trois jeunes amants fait trois heureux époux.

ARNOLD
(à part)
Des amants, des époux!
Ah! quel penser m'assiège!...

HEDWIGE
Bénis par vous.

MELCTHAL
Par moi?

HEDWIGE
Vous nous bénirez tous.

GUILLAUME
De l'âge et des vertus c'est le saint privilège,
Et des bienfaits du ciel un présage bien doux.

MELCTHAL
Pasteurs, que vos accents s'unissent,
Qu'au loin vos trompes retentissent;
Célébrez tous en ce beau jour
Le travail, l'hymen et l'amour.

CH‘UR D'HOMMES
Pasteurs, que nos accents s'unissent,
Qu'au loin nos trompes retentissent!
Célébrons tous, en ce beau jour,
Le travail, l'hymen et l'amour.

CH‘UR DE FEMMES
Aux chants joyeux qui retentissent,
Que nos accents plus doux s'unissent!
Célébrons tous en ce beau jour,
Le travail, l'hymen et l'amour.

CH‘UR GÉNÉRAL
Près des torrents qui grondent,
Que les cors se répondent!
Que l'écho de ces monts,
Retenant nos chansons,
En reporte les sons
Aux forêts, aux vallons!

Près des torrents qui grondent,
Que les cors se répondent!
Célébrons par nos jeux
Et l'hymen et ses feux;
Des pasteurs amoureux
Célébrons les doux n¦uds,
Et volons auprès d'eux.

Le ch¦ur sort.

Scène troisième


Guillaume, Melcthal, Arnold, Hedwige, Jemmy.

GUILLAUME
Contre les feux du jour que mon toit solitaire
Vous offre un abri tutélaire.
C'est là que dans la paix ont véçu mes aïeux,
Que je fuis les tyrans, que je cache à leurs yeux
Le bonheur d'être époux, le bonheur d'être père!
(il embrasse son fils)

MELCTHAL
(à Arnold)
Le bonheur d'être père!
Tu l'entends, ô mon fils! c'est le suprême bien.
Veux-tu tromper toujours le v¦u de ma vieillesse?
La fête des pasteurs, par un triple lien,
Va consacrer, dans ce jour d'allégresse,
Le serment de l'hymen, et ce n'est pas le tien!

Le vieux Melcthal entre avec Guillaume, Hedwige e Jemmy dans un châlet.

Scène quatrième


Arnold seul.

ARNOLD
Le mien, dit-il! jamais, jamais le mien!
Que ne puis-je taire à moi-même
De quel fatal objet tous mes sens sont épris!
Toi, dont le front aspire au diadème,
O Mathilde! je t'aime,
Je t'aime, et je trahis
Mon devoir et l'honneur, mon père et mon pays!
Contre l'avalanche homicide
Ma force te servit d'égide:
Je te sauvai, toi, la fille des rois,
Toi qu'une puissance perfide
Destine à nous donner des lois.
Ivre d'un fol espoir, ma jeunesse insensée
A prodigué son sang pour des maîtres ingrats:
Avoir connu sous eux la gloire des combats,
Voilà ma honte! aussi, mes pleurs l'ont effacée:
Par un funeste amour ne la rappelons pas.
Mais quel bruit? des tyrans qu'a vomis l'Allemagne
Le cor sonne sur la montagne.
Gesler est là; Mathilde l'accompagne;
Il faut encore la voir, entendre encore sa voix;
Soyons heureux et coupable à la fois!

Scène cinquième


Guillaume, Arnold.

Duo

GUILLAUME
Où vas-tu? quel transport t'agite?
L'approche d'un ami n'arrête point ta fuite?

ARNOLD
Non.

GUILLAUME
Pourquoi trembles-tu?

ARNOLD
(à part)
De feindre aurai-je le courage?
(haut)
Sous le fardeau de l'esclavage
Quel grand c¦ur n'est pas abattu?

GUILLAUME
Je comprendrais des maux que je partage;
Arnold ne m'a pas répondu!

ARNOLD
(à part)
Suis-je assez malheureux!

GUILLAUME
Malheureux? quel mystère?
Pourquoi te taire?

ARNOLD
Qu'espères-tu?

GUILLAUME
Rendre à ton c¦ur la force et la vertu.

ARNOLD
(à part)
Ah! Mathilde, idole de mon âme!
Il faut donc vaincre ma flamme?

GUILLAUME
(observant Arnold)
Je saurai lire dans son c¦ur.

ARNOLD
O ma patrie,
Mon c¦ur te sacrifie
Et mon amour et mon bonheur!

GUILLAUME
(à part)
Il rougit de son erreur;
En servant la tyrannie
S'il fut traître à sa patrie,
Son remords du moins expie
Un moment de déshonneur.
(haut)
Pour nous plus de crainte servile,
Soyons hommes, et nous vaincrons.

ARNOLD
Et comment venger nos affronts?

GUILLAUME
Tout pouvoir injuste est fragile.

ARNOLD
Contre des maîtres étrangers
Quels sont nos appuis?

GUILLAUME
Les dangers;
Il n'en est qu'un pour nous, pour eux il en est mille.

ARNOLD
(montrant la maison qui renferme la femme et le fils de Guillaume)
Songe aux biens que tu perds!

GUILLAUME
Qu'importe!

ARNOLD
Quelle gloire espérer des revers?

GUILLAUME
Je ne sais trop ce que c'est que la gloire,
Mais je connais le poids des fers.

ARNOLD
Ton espérance...

GUILLAUME
Est la victoire:
La tienne aussi. J'ai besoin de le croire.

ARNOLD
Nous serions libres!..

GUILLAUME
C'est mon v¦u.

ARNOLD
Mais où combattre?

GUILLAUME
Dans ce lieu.
Je te l'ai dit: plus de crainte servile.

ARNOLD
Vaincus, quel sera notre asile?

GUILLAUME
La tombe.

ARNOLD
Et notre vengeur?

GUILLAUME
Dieu!

ARNOLD
(à part)
Ah! Mathilde, idole de mon âme!
Il faut donc vaincre ma flamme?

GUILLAUME
Je vais lire dans son c¦ur.

ARNOLD
O ma patrie!
Mon c¦ur te sacrifie
Et mon amour et mon bonheur.

GUILLAUME
Il rougit de son erreur.
En servant la tyrannie,
S'il fut traître à sa patrie,
Son remords du moins expie
Un moment de déshonneur.

ARNOLD
Du combat, quand sonnera l'heure,
Ami, je serai prêt...

Le cor se fait entendre, et Arnold cherche à s'éloigner.

GUILLAUME
Demeure.

ARNOLD
O contre-temps fatal!

GUILLAUME
Melcthal! Melcthal!

Le cor résonne de nouveau.

ARNOLD
Qu'entends-je?

GUILLAUME
C'est Gesler! quoi! tandis qu'il nous brave,
Voudrais-tu, volontaire esclave,
D'un regard dédaigneux implorer la faveur?

ARNOLD
Quel sévère langage!
Pour moi c'est un outrage.
Je veux sur son passage
Braver l'insolent oppresseur.

GUILLAUME
Point d'entreprise téméraire;
Songe à ton père: il faut le protéger;
à ta patrie: il faudra la venger.

ARNOLD
(à part)
Mon père! mon pays! ma tendresse! Que faire!

GUILLAUME
Il hésite, il pâlit! Quel est donc ce mystère?

ARNOLD
(à part)
O ciel! tu sais si Mathilde m'est chère,
Mais à la vertu je me rends.
(haut)
Haine et malheur à nos tyrans!

GUILLAUME
Entends au loin les chants de l'hyménée;
N'attristons pas la fête des pasteurs:
à leurs plaisirs ne mêlons pas de pleurs;
Et que, du moins une journée,
Un peuple échappe à ses malheurs.

ARNOLD
à ses regards cachons mes pleurs.
O ciel! tu sais si Mathilde m'est chère;
Mais à la vertu je me rends.
Haine et malheur à nos tyrans!

GUILLAUME
De mon secret il est dépositaire,
Mais il combattra dans nos rangs;
Haine et malheur à nos tyrans!

Nouvelle version de la scène 6 (modifiée par Rossini).

Scène sixième


Les mêmes, Melcthal, Hedwige, Jemmy, le ch¦ur, formant un cortège pour les trois mariés. Trois vieillards vont chercher les trois fiancées dans les chalets qui se trouvent sur la scène.

HEDWIGE
Sur nos têtes le soleil brille,
Et semble s'arrêter au milieu de son cours,
Pour voir la fête de famille.
Vénérable Melcthal, honneur des anciens jours,
C'est à vous de bénir leurs pudiques amours.

MELCTHAL
Quand le ciel entend votre promesse
Est-ce à moi de la consacrer?

GUILLAUME
Oui, rendre hommage à la vieillesse,
Mon Dieu, c'est encore t'honorer!
(il conduit le vieux Melcthal sous un dôme de verdure, préparé pour lui)

LE CH‘UR
Ciel, qui du monde est la parure,
Pour eux fais luire un doux augure;
Vois, leur tendresse est aussi pure
Que ta lumière en un beau jours!

Pendant ce ch¦ur, Melcthal bénit les époux qui sont agenouillés à ses pieds.

ARNOLD
(à part)
Qu'ils sont heureux! quel chaste amour!

Le bruit de la chasse se rapproche.

GUILLAUME
Encore Gesler!

ARNOLD
(sortant sans être aperçu)
Courons!

Scène septième


Les mêmes, moins Arnold.

GUILLAUME
(à part)
Ah! quel tourment j'endure!
(haut)
Je ne vois plus Arnold.

JEMMY
Il nous quitte.

GUILLAUME
Il me fuit;
Il me dérobe en vain le trouble qui le suit.
Je cours l'interroger; toi, ranime la fête.

HEDWIGE
Tu me glaces de crainte, et tu parles de fête!

GUILLAUME
(bas)
Qu'elle cache aux tyrans le bruit de la tempête!
étouffe-la sous des accents joyeux:
Elle ne doit gronder pour eux
Qu'en tombant sur leur tête!

Scène huitième


Les mêmes, moins Guillaume.

CH‘UR
(accompagné de danse)
Hyménée,
Ta journée
Fortunée
Luit pour nous.

Des couronnes
Que tu donnes
Ces époux
Sont jaloux.

D'allégresse,
De tendresse,
Leur jeunesse
S'embellit.

Sur nos têtes
Les tempêtes
Sont muettes;
Tout nous dit:

Hyménée,
Ta journée
Fortunée
Luit pour nous.

Des couronnes
Que tu donnes
Ces époux
Sont jaloux.

Par tes flammes,
Dans nos âmes,
Tu proclames
Notre espoir;

Ton ivresse
Joint sans cesse
La tendresse
Au devoir.

Hyménée,
Ta journée
Fortunée
Luit pour nous.

Des couronnes
Que tu donnes
Ces époux
Sont jaloux.

Pendant que les danses s'exécutent, on s'exerce au jeu de l'arc.

CHOEUR
Gloire, honneur au fils de Tell!
Il obtient le prix de l'adresse.

JEMMY
(venant déposer le prix entre les mains d'Hedwige)
Ma mère!

HEDWIGE
O moment plein d'ivresse!

CHOEUR
Il obtient le prix de l'adresse,
C'est l'héritage paternel.

Les archers forment un pas entre eux pendant lequel on chante le ch¦ur suivant.

CH‘UR
Enfants de la nature,
Le simple habit de bure
Nous tient lieu de l'armure
Qui défend les guerriers.

Mais au but qui l'appèle
Notre flèche est fidèle,
Et l'espoir avec elle
Repose en nos foyers.

Scène neuvième


Les mêmes, Leuthold, portant une hache sur laquelle il s'appuie.

JEMMY
Pâle et tremblant, se soutenant à peine,
Ma mère, un pâtre vient vers nous.

LE PÊCHEUR
C'est le brave Leuthold; un malheur nous l'amène.

LEUTHOLD
Sauvez-moi! sauvez-moi!

HEDWIGE
Que crains-tu?

LEUTHOLD
Leur courroux.

HEDWIGE
Leuthold, quel pouvoir te menace?

LEUTHOLD
Le seul qui n'a jamais fait grâce,
Le plus cruel, le plus affreux de tous.
O mes amis! sauvez-moi de ses coups.

MELCTHAL
Qu'as-tu fait?

LEUTHOLD
Mon devoir. De toute ma famille
Le ciel ne me laissa qu'un enfant, qu'une fille;
Du gouverneur un infâme soutien,
Un soldat l'enlevait, et j'ai su la défendre:
Lui, me ravir mon dernier bien!
Ma hache sur son front ne s'est pas fait attendre;
Voyez-vous ce sang? c'est le sien.

MELCTHAL
Il eut le courage d'un père;
Mais pour lui du tyran redoutons la colère.

LEUTHOLD
Un refuge assuré m'attend sur l'autre bord.
(au Pêcheur)
Conduis-moi .

LE PÊCHEUR
Ce torrent, cette roche,
Du rivage opposé ne permet point l'approche;
Affronter cet écueil, c'est courir à la mort.

LEUTHOLD
Ah! puisses-tu, barbare, à ton heure dernière,
Trouver Dieu sourd à ton remords,
Comme tu l'es à ma prière!

CHOEUR DE SOLDATS
(dans l'éloignement)
Leuthold! malheur à toi, malheur!

Scène dixième


Les mêmes, Guillaume.

GUILLAUME
(rentrant)
Arnold a disparu, mes pas n'ont pu l'atteindre.

LEUTHOLD
Grand Dieu, sois mon libérateur!

GUILLAUME
J'entends menacer et se plaindre.

CH‘UR
(en dehors)
Leuthold! malheur à toi, malheur!

LEUTHOLD
Guillaume, le destin m'accable,
On me poursuit, je ne suis point coupable;
Je meurs pourtant si je ne fuis soudain:
Pour mon salut il n'est qu'un seul chemin.
(il montre le bord opposé)

GUILLAUME
Ta barque est là, pêcheur, tu l'entends.

LEUTHOLD
C'est en vain;
Comme le gouverneur il est impitoyable.

GUILLAUME
Du ciel il méconnaît la loi,
Il te refuse! eh bien! suis-moi.

CH‘UR DE SOLDATS
(se rapprochant)
C'est du sang que le meurtre exige.
Malheur à toi, Leuthold!

GUILLAUME
(après avoir embrassé son fils)
Hâtons-nous, les voilà.
Adieu .

HEDWIGE
Tu vas périr.

GUILLAUME
Ne crains rien, chère Hedwige.
(montrant le ciel)
Les périls sont bien grands; mais le pilote est là!

Scène onzième


Melcthal, Hedwige, Jemmy, le Pêcheur, Rodolphe, soldats et habitants des cantons.

Final

CH‘UR
Dieu de bonté, Dieu tout-puissant,
De l'oppresseur confonds la rage,
Daigne dérober au naufrage
Le défenseur de l'innocent.

RODOLPHE
De la justice voici l'heure!

SOLDATS
De la justice voici l'heure!

RODOLPHE
Malheur au meurtrier, qu'il meure!

SOLDATS
Malheur au meurtrier, qu'il meure!

CH‘UR
Dieu de bonté, Dieu tout-puissant,
De l'oppresseur confonds la rage,
Daigne dérober au naufrage
Le défenseur de l'innocent.

JEMMY et HEDWIGE
Il est sauvé!

RODOLPHE
Que vois-je? ô rage!
Il a franchi le funeste passage.

MELCTHAL et HEDWIGE
De Dieu je reconnais l'ouvrage.

RODOLPHE
Leur joie est un nouvel outrage;
Esclaves, malheur à vous tous!

MELCTHAL et JEMMY
Quelle insolence! pourquoi l'âge
Ne sert-il pas mieux mon courroux?

CH‘UR DE PAYSANS
Sur nos têtes gronde l'orage,
éloignons-nous, éloignons-nous.

RODOLPHE
Restez; il est plus d'un coupable:
Au meurtrier qui prêta son secours?
Nommez le traître, il y va de vos jours.

MELCTHAL, JEMMY et HEDWIGE
Ils vont parler; la terreur les accable.

CH‘UR DE PAYSANS
Braverons-nous sa colère implacable?

RODOLPHE
(faisant cerner la foule par ses soldats)
Obéissez, il y va de vos jours.

CH‘UR DE FEMMES
Vierge que les chrétiens adorent,
Entends nos voix, elles t'implorent;
Soustrais au glaive des méchants
Et nos maris et nos enfants!

MELCTHAL
Ce qu'il a fait, tous, nous l'aurions dû faire.
Amis, plus de lâche frayeur:
Il ose agir, osez vous taire.

CH‘UR
Il ose agir, osons nous taire.

RODOLPHE
Tremblez, malheur à vous, tremblez!
Nommez le traître, enfin parlez!

MELCTHAL
Dis au tyran que cette terre
Ne porte pas de délateur.

RODOLPHE
Qu'on saisisse ce téméraire!
Il brave en nous le gouverneur.

Que du ravage,
Que du pillage,
Sur ce rivage
Pèse l'horreur!

Honte et misère
Sont le salaire
Que ma colère
Lègue au malheur!

JEMMY
Si du pillage,
Si du ravage
Sur ce rivage
Pèse l'horreur,

Vil mercenaire,
L'arc de mon père
Peut nous soustraire
à ta fureur!

Ensemble

RODOLPHE et TOUS SES SOLDATS
Que du ravage,
Que du pillage,
Sur ce rivage
Pèse l'horreur!

Honte et misère
Sont le salaire
Que ma/sa colère
Lègue au malheur!

JEMMY, HEDWIGE et TOUS LES HABITANTS DES CANTONS
Si du ravage,
Si du pillage,
Sur ce rivage
Pèse l'horreur!

Vil mercenaire,
L'arc de mon/son père
Peut nous soustraire
à ta fureur!

Les soldats s'emparent de Melcthal; les Suisses cherchent à le délivrer, mais ils sont sans armes, et l'on entraîne violemment sous leurs yeux le vieillard qu'ils voudraient suivre, quand une haie de hallebardes les arrête. La toile baisse sur ce tableau.

Nota. Le rideau de service qui tombe entre le premier et deuxième acte offre l'image de la puissance guerrière de l'Autriche, sous le règne de l'empereur Albert (an 1308). C'est contre ce pouvoir formidable que vont lutter les efforts de quelques montagnards de la Suisse. (JPEG, 80k)

Acte deuxième



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Appendices


Scène 6, modifiée par Rossini

Scène sixième


Les mêmes, Melcthal, Hedwige, Jemmy, le ch¦ur, formant un cortège pour les trois mariés. Trois vieillards vont chercher les trois fiancées dans les chalets qui se trouvent sur la scène.

HEDWIGE
Sur nos têtes le soleil brille,
Et semble s'arrêter au milieu de son cours,
Pour voir la fête de famille.
Vénérable Melcthal, honneur des anciens jours,
C'est à vous de bénir leurs pudiques amours.

MELCTHAL
Quand le ciel entend votre promesse
Est-ce à moi de la consacrer?

GUILLAUME
Oui, rendre hommage à la vieillesse,
Mon Dieu, c'est encore t'honorer!
(il conduit le vieux Melcthal sous un dôme de verdure, préparé pour lui)

LE CH‘UR
Ciel, qui du monde est la parure,
Pour eux fais luire un doux augure;
Vois, leur tendresse est aussi pure
Que ta lumière en un beau jours!

Pendant ce ch¦ur, Melcthal bénit les époux qui sont agenouillés à ses pieds.

ARNOLD
(à part)
Ils vont s'unir. Pour moi plus d'ésperance.
Quels maux j'endure, fatal amour!

MELCHTAL
Des antiques vertus vous nous rendez l'exemple.
Songez, jeunes pasteurs, que la Suisse qui vous contemple,
Demande à votre hymen les appuis des vengeurs.
Des jeunes montagnards, ô fidèles compagnes,
Dans votre chaste sein dort la postérité;
Que vos fils soient nombreux; votre fécondité
Est la richesse des campagnes.
Le bruit de chasse se rapproche.

GUILLAUME
(Gesler proscrit ces v¦ux.) Écoutez le tyran!
Écoutez: il vous crie qu'il n'est plus de patrie;
Que pour jamais elle est tarie,
La source de ce sang généreux
Qui bouillonnait au c¦ur de nos ayeux.
Un peuple sans vertus n'enfante pas de braves:
Que legueriez-vous à vos fils?
Les fers dont vos bras sont meurtris?
Femmes, de votre couche éxilez vos maris.
Il est toujours assez d'esclaves!

HEDWIGE
Quels transports semblent t'agiter?
Pour les laisser librement éclater
Le jour est-il venu?

GUILLAUME
Peut-être...
Je ne vois plus Arnold.

Rétour à la scène 7.